An die Verlagsetage

La position de Project R relative à l’aide aux médias

Quelque chose ne va pas dans le débat politique sur l’avenir des médias. Aussi et surtout parce que la Republik est utilisé comme argument fallacieux pour inciter à prendre de mauvaises décisions.

Par Clara Vuillemin (texte) et Christelle Konrad (traduction), 07.09.2020

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Chères lectrices, chers lecteurs,

Nous avons besoin de votre attention. Et peut-être même de votre aide.

Parce que dans une semaine, le 10 septembre, le Conseil national délibérera au sujet du paquet de mesures en faveur des médias. Il s’agit peut-être de la décision la plus importante pour l’avenir du système médiatique suisse.

La question est la suivante: faut-il aider seulement les médias imprimés, comme jusqu’à présent, ou désormais aussi les fournisseurs de contenus exclusivement en ligne?

Une nette majorité du Parlement s’accorde pour dire que la branche des médias a besoin d’un soutien étatique plus important, dans un contexte de changement structurel très rapide. Les dommages dans la branche ne sont que trop évidents: fermetures, licenciements et fusions sont la conséquence des mesures d’économie et des faillites. Le système s’écroule devant nos yeux.

Personne ne peut freiner la numérisation et ses conséquences fondamentales pour les médias et leurs modèles commerciaux – ni la politique, ni les éditeurs.

Mais il est de la responsabilité du Parlement de mettre en place les conditions générales qui permettront de créer un paysage médiatique fonctionnel.

Le changement structurel a bien lieu, et se contenter d’entretenir les médias existants n’a pas de sens. Une aide supplémentaire à la branche des médias n’est judicieuse que si cet investissement permet également une transition vers de nouveaux modèles commerciaux. Car ce qui compte, ce ne sont pas les structures existantes, mais bien la prestation en faveur de la démocratie directe: que la population suisse soit bien informée, et de manière diversifiée. Et que les acteurs politiques disposent d’une plate-forme pour les débats publics.

Lors de sa création déjà, l’objectif de Project R n’était pas simplement de lancer un nouveau magazine; il s’agissait de construire un nouveau modèle. Financé par son lectorat. Sans publicité. Et sans compromis quant à la qualité.

Quasiment un laboratoire, indépendant des grands éditeurs. Et qui soit capable de survivre sur le petit marché suisse qui se contracte. Il nous paraît clair que le journal en ligne Republik fait dans le meilleur des cas partie de la solution – quel que soit le résultat de l’expérience. Ce qui compte pour le débat public, c’est que le système dans son ensemble fonctionne bien.

C’est la raison pour laquelle il serait irresponsable de ne pas prendre position clairement sur la nouvelle loi sur les médias. Aussi et surtout parce que la loi menace de glisser dans une direction destructrice pour l’avenir de la branche.

Et parce que la Republik est actuellement utilisé comme argument fallacieux pour inciter à prendre de mauvaises décisions.

Le paquet de mesures

Comme son nom l’indique, le paquet de mesures présenté est un mélange de différentes mesures de soutien. C’est le résultat d’années de négociations. Un compromis qui n’enchante personne, mais qui est suffisamment bon pour presque toute la branche. Bref: une prestation historique.

Dans sa version actuelle (après les délibérations au Conseil des États), le paquet de mesures comporte trois volets:

  • premièrement, une augmentation des subventions pour les médias imprimés (réduction des taxes postales, subventions pour la distribution matinale) de 70 millions supplémentaires, portant le tout à 120 millions de francs par année;

  • deuxièmement, 30 millions par année pour les institutions et les projets qui profitent à toute la branche (formation, projets informatiques, conseil de la presse, agence de presse);

  • et troisièmement, une nouvelle mesure de soutien pour les médias en ligne de 30 millions par année également.

La nouvelle mesure de soutien pour les médias en ligne est très largement inspirée de l’aide «indirecte» aux médias imprimés qui existe déjà. Dans les deux cas, seuls les médias sur abonnements en tirent avantage. Et dans les deux cas, le montant de la mesure de soutien est calculé en fonction de l’importance du public qui paie: pour les médias imprimés, selon le nombre d’abonnements, et pour les médias en ligne, selon le chiffre d’affaires que l’entreprise réalise grâce à son lectorat.

Ce modèle est basé sur l’automatisme suivant: le contenu ne joue aucun rôle. L’indépendance journalistique des fournisseurs de contenus en ligne vis-à-vis de l’État reste ainsi largement préservée. De toute façon, leur indépendance ne serait pas plus menacée que celle des journaux imprimés, qui bénéficient depuis longtemps déjà de subventions en faveur de la presse écrite.

Il est également prévu que les petits médias en ligne profitent davantage. Comme c’était le cas jusqu’à présent dans le cadre de l’aide aux médias imprimés. (Ce point-là va changer avec le nouveau paquet de mesures. Le traitement préférentiel accordé aux petits médias régionaux et locaux par rapport aux grands médias nationaux est supprimé pour la presse écrite. Il s’agit là d’une reconnaissance claire envers les grands groupes médiatiques – mais ce n’est qu’ainsi que l’on obtient des compromis.)

La grande association des éditeurs (VSM), l’association alternative des éditeurs (VMZ) et les syndicats (Syndicom, SSM) soutiennent aussi tous cet ensemble de mesures proposé par le Conseil fédéral et accepté par le Conseil des États.

Et nous aussi, la coopérative Project R (Project R Genossenschaft), nous soutenons ce paquet de mesures.

Le problème

Mais la commission compétente du Conseil national a créé la surprise en décidant de remettre à plus tard le soutien aux médias en ligne, lors d’un vote qui s’est soldé par un résultat à 13:12. Le 10 septembre, le Conseil national devra décider s’il accepte d’écarter le soutien aux médias en ligne du paquet de mesures.

Si cette proposition était acceptée, ce serait un coup dur pour l’avenir de la branche des médias. En effet, il deviendrait difficile d’introduire ultérieurement un soutien aux médias en ligne si l’augmentation de l’aide aux médias imprimés était déjà acquise. Les défenseurs des structures existantes ont plus d’alliés et d’influence que les défenseurs de nouvelles structures qu’il faut encore développer, c’est dans la nature du processus politique.

Même chez les grands éditeurs, ce n’est un secret pour personne que si les produits imprimés sont encore indispensables aujourd’hui, ils n’offrent aucune perspective commerciale. Ce sont des modèles en déclin. (Et qui sont aussi traités comme tels par leurs éditeurs: on n’investit plus rien dans leur avenir, les seules idées stratégiques sont des mesures défensives comme les grandes fusions et les mesures d’économie.)

C’est ailleurs que l’innovation se déploie – et là aussi toute la branche est d’accord: on n’investit plus que dans de nouveaux modèles en ligne.

Un paquet de mesures sans aide aux médias en ligne serait dévastateur, car le fait de soutenir uniquement les médias imprimés ne sert qu’à maintenir une structure. On investit dans le passé. Et on tue ainsi la nouveauté.

Republik n’est pas une preuve que les médias en ligne n’ont pas besoin de soutien

Le journal en ligne Republik a souvent été cité comme exemple dans les débats pour argumenter que les médias en ligne peuvent s’autofinancer.

Même si cela nous réjouit, cet exemple est fallacieux.

Certes, au mois de juin, nous avons atteint (grâce à vous!) un lectorat de 25’000 personnes – et ainsi notre seuil de rentabilité. Mais cela ne signifie pas le moins du monde que nous sommes sortis de l’auberge.

En effet, un modèle financé uniquement par le lectorat est un éternel combat. Cette année, nous aspirons à un taux de renouvellement de 75 pour cent. C’est un objectif ambitieux. Cela signifie que pour l’exercice à venir, nous devons convaincre 6250 personnes supplémentaires à nous soutenir rien que pour éviter de régresser. Et l’année suivante aussi.

Nous aurons encore longtemps besoin de votre patience, de votre fidélité et d’un sacré pot pour continuer à survivre.

En outre, notre boulot, c’est de produire des enquêtes de fond sur des sujets actuels. Notre priorité n’est pas de publier des informations de base ou de couvrir les informations régionales (et encore moins les informations locales). Pour développer cela en ligne, il faut de l’expérience, du temps et des investissements.

Et certainement pas une aide aux médias qui ne subventionne – avec partialité – que les médias imprimés, et se contente ainsi de soutenir le passé.

Accepterions-nous les subventions?

Naturellement, la coopérative Project R est partie prenante en tant qu’éditrice d’un média en ligne financé par son lectorat.

Mais nous sommes encore loin d’avoir tranché la question de savoir si nous accepterions des subventions pour Republik si la nouvelle loi sur les médias devait être acceptée.

Premièrement, l’indépendance journalistique est extrêmement importante pour nous. Tellement importante que nous examinerions encore précisément une éventuelle aide étatique, même si elle devait sembler anodine à cet égard, pour comprendre ce que cela impliquerait pour Republik. Deuxièmement, notre objectif est de pouvoir exister sur le marché. Nous ne voulons pas simplement tenir un magazine, mais bel et bien développer un modèle commercial fonctionnel.

Troisièmement, la décision à ce sujet ne dépend pas de nous. Ce n’est pas sans raison que nous avons 25’000 lectrices et lecteurs. Le cas échéant, c’est une décision que nous ne prendrions pas seuls, mais en consultation avec l’ensemble du lectorat. Et donc avec vous.

Pour terminer, nous avons besoin de votre aide: si vous êtes membre du Conseil national, ou si vous avez prévu de rencontrer des parlementaires ces prochains jours (ou de leur écrire ou de leur téléphoner) ... n’hésitez pas à leur parler de nos arguments ci-dessus.

Pas pour nous. Mais parce que les médias ont besoin de ce paquet de mesures. Et la démocratie a besoin des médias.

Un grand merci pour le temps que vous nous accordez.

Avec mes meilleures salutations,

Clara Vuillemin
Présidente de Project R

Ce texte à été traduit par notre lectrice Christelle Konrad. Merci beaucoup!

P.-S.: L’expéditeur de ce message est Project R – die Genossenschaft, qui édite le journal en ligne Republik. Et non pas la rédaction de Republik. Celle-ci reste entièrement libre de ses jugements. (Ne soyez donc pas surpris si vous lisez un jour des avis différents dans nos articles.)

P.-P.-S.: Si vous désirez des informations plus détaillées sur le modèle de Republik, nous avons exposé le plan de financement pour un modèle commercial durable en novembre 2017 dans une lettre de nouvelles de Project R. Vous trouvez en temps réel dans notre cockpit toutes les informations sur la marche actuelle des affaires.

P.-P.-P.-S.: Quelle est votre position concernant l’aide aux médias par l’État telle qu’elle est prévue? À quel point est-il important pour vous que le journal en ligne Republik soit financé exclusivement par son lectorat? Nous nous réjouissons de votre avis et des points de vue que vous apporterez dans le dialogue.

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